vendredi 28 septembre 2012

Revolution


Le chaos.
Se réveille.
Une harmonie.
Un rythme, une volonté.
On avance à pas feutrés.
On essaie, on découvre.
Les souvenirs hantés.
La peur, les yeux se ferment.
On tombe sur une surface pleine, douce.
Lumière dans la grotte.
Entouré d'autres aussi perdus.
Le débat commence.
Saccadé, haché.
Que faire?
This is the time of...
The revolution.
La foule s'écrie :
Cooking the next step. Converting vegetarians. Minding the gap since 1996.
On reprend le refrain.
Il fait sens.
Portés par la foule.
Les hauts parleurs.
La force du groupe.
L'espoir d'un changement.
On s'interroge.
Est-ce la bonne direction?
This is the time of...
The revolution.
Reprend de plus belle.
Litanie, leitmotiv.
Les consciences au pas.
Héroïque, de l'avant.
Un dernier assaut.
I don't know?
Se dissipe.
Se rendort.
Le chaos.

mercredi 25 avril 2012

dimanche 4 mars 2012

Au revoir Jean, Bonjour Dorian






Au revoir Jean, Bonjour Dorian

Jean n’est pas un chasseur. Il est plutôt celui que l’on chasse tout en étant un piège; car si l’on cherche vraiment à l’attraper, il vous laissera facilement l’avoir. Pas de mur, pas d’entraves, pas de ronces. Il vous facilitera même la tâche pour parvenir à lui. Et cependant que vous pensez l’attraper, que vous vous approchez, vous vous attendrissez et lui ne modifie pas son comportement, il est toujours le même et soudain, très naturellement on se retrouve tout contre, on s’embrasse, on fait l’amour, on s’écarte un peu perplexe. Que nous est-il arrivé ?

Célimène s’est prise au jeu. Elle s’est avancée, a regardé, a touché ses cheveux et a souri. Alors doucement, il lui a donné de la place. Ils ont mangé ensemble chez Madame Chi près du métro voltaire. La lune était pleine, leurs vêtements sentaient le bobun. Doucement, parce que c’est ce qu’il semblait y avoir à faire, il lui a proposé de monter chez lui. Ils ont grimpé les 6 étages, elle s’est un plainte de l’altitude. Il était souriant, légèrement timide et a maintenu une distance de garçon bien élevé.

Elle est revenue quelques jours plus tard, et cette fois, il a croqué dans le fruit qu’on lui tendait. C’est que nous les hommes, nous sommes un peu des croqueurs de fruit invétérés. On nous le reproche et pourtant cela leur donne confiance à elles, cela caresse leurs orgueils et leurs corps à la peau douce. Devrions nous vraiment résister alors ?


La chose avec Célimène a duré deux semaines peut être trois, jusqu’à ce weekend de Décembre où Jean est devenu Dorian. Cela s’est fait doucement, comme se fait les révolutions silencieuses de nos psychologies. Nous vivons et puis l’extérieur, des faits, des hommes, un regard, une émotion intense, une oeuvre, petit à petit nous amène vers une vérité nouvelle, plus grande, qui nous transforme et que bien souvent nous ne savons pas nommer. Alors en ayant si peu conscience notre âme se déplace, et voilà un homme nouveau.

Ce soir là Jean était un peu ivre et très libre, souriant, tenant subitement Fay dans ses bras, se demandant peut être comment elle est arrivée là, puis se penchant et l’embrassant parce qu’y avait-il autre chose à faire ?
Célimène et son regard brûlant n’était malheureusement pas loin.

Fay a 23 ans, elle est plutôt petite. Célimène doit en avoir 25, elle est plutôt petite. Fay est brune et souriante. Célimène est rousse et rit. Fay a le visage qui peut se transformer, passant en une seconde d’une jolie douceur à une forme étonnante d’agressivité. C’est un petit peu le même effet que quand un chat a peur et que sa queue se dresse, droite comme un point d’exclamation et volumineuse comme un plumeau. Les traits de Fay prennent cette tournure défensive, tout en retenue et souffle coupé.

Célimène, elle, est sûre d’elle, prétentieuse, riche. Elle a un gros diamant à la main gauche qu’elle n’enlève pas la nuit.
Célimène est maligne.
Fay est cultivée, elle a en elle une énigme, une beauté.

= Jean =
Ce vendredi soir là, après l’audition publique, les élèves du cours Simon se mélangent à la nuit et à l’alcool dans et devant le troquet du coin, le Muscadet, tenu par Abdul. Abdul, il exécute la chorégraphie du barman derrière son comptoir. Pivotements, mouvements de bras répétitifs, prise d’un verre, on actionne la tireuse, on lève la tête, remonte le bras, récupère le billet, ouvre la caisse, deux pas sur la gauche, on dit “Oui, merci”, “4 euros”, “Grinbergen ou Heineken ?”, on a les mains dans l’évier, on essuie un verre, on s’oublie complètement dans l’action et le brouhaha.
En face de lui, juste devant un autocollant Ricard, le dos collé contre le comptoir, Fay dit malicieusement à Jean à travers le tumulte des sentiments et des paroles :
“Tu sais que tu as du succès auprès des filles et des garçons ?”
Fay a une lueur dans ses petites prunelles sombres, ses cheveux bouclés encadrent son visage, son petit nez s’agite.

Ce soir sera pourtant platonique pour Jean. Il rentrera chez lui, fier, se tenant droit et laissant Célimène. Il n’a pas envie de la voir, pas ce soir, peut être pas un autre soir d’ailleurs. Fay quand à elle abordera Olivier, l’acteur génial au physique porcin. L’homme est brillant, il donne la bonne émotion, il va rechercher si loin dans ses répliques un ton, une humeur qui fait qu’on l’écoute, captivé. Il a la calvitie, il est bedonnant et pourtant il est beau. Quelque chose reluit. Quelque chose brille.
Fay couchera avec lui ce soir, elle en avait horriblement envie. Lui non, et d’ailleurs, il lui dira le lendemain qu’il ne la reverra pas. Il la jette.

Là assis devant mes mots, je me rends compte de cette dureté. Je me rends compte mais je ne fais que le raconter. Et le coucher sur le papier est probablement une façon pour moi d’essayer de le comprendre, de ne pas le conserver pour moi seul ce petit caillou dans ma chaussure. Le comprenez vous, vous ? Moi je crois que oui et qu’il nous faut le voir comme cela est. Peut être est ce léger, comme nos moeurs à nous apprentis acteurs. Peut être est ce terrible comme nos tragédies. Dans tous les cas, cela est bien réel et existe et persiste.

Le lendemain matin 14 rue de la vacquerie, on répète le spectacle de l’après midi, organisé par les élèves pour leur professeur. On prépare “Phèdre à repasser”, Hippolyte y est un pleutre prépubère pourchassé par une Phèdre érotomane, adipeuse et alcoolique. Fay est une des servantes, Jean est Hippolyte. Célimène travaille un monologue de Camille Laurens où elle dit : « Ce que j'aime le plus chez les hommes, physiquement, ce sont les épaules, la ligne qui va du cou à l'articulation des bras, les bras, la poitrine, le dos. Ce qui me plaît dans un homme, c'est la stature, la carrure, la statue.”
Tout cela est si sexuel dans sa bouche, que cela a presque un parfum d’onanisme. Elle a la sexualité à fleur de peau mais elle n’est pas si vulgaire pour autant. Elle a la fragilité des enfants gâtés.

On se maquille, on s’habille, on joue, le professeur bourré pérore un peu et on rentre. Le soir, Jean se dirige vers le Taillebourg près de Nation et Dorian sommeille déjà en lui. Il pense à Fay. Il l’a beaucoup regardé dans son rôle de servante. Il envisage Fay. C’est une nouvelle possibilité, terriblement tentante pour un opportuniste. Pour ses yeux, elle n’est plus la même, quelque chose a changé. Il lui voit un coeur blanc, pur, tatoué sur sa poitrine mince qui l’appelle : Jean, Jean.

= Célimène =
Je n’avais pas “vu” Jean depuis quelque jours. C’est à dire que je n’avais pas passé la nuit chez lui depuis la semaine précédente.
Et la veille, il m’avait planté comme un vieux sac au Muscadet. J’entendais bien me venger ce soir là. En publique, il était toujours distant, ce sagouin, comme ailleurs, perdu et je n’étais pas contente de ça. Les hommes, je veux les posséder, je les veux pour moi, contre moi. J’aime mordre dans leur chair et pétrir leur muscles avec mes mains. J’aime sentir leurs corps contre moi.
J’étais au Taillebourg depuis un moment quand il est arrivé. Il m’a dit “Bonsoir” en souriant et est allé au comptoir. Là je l’ai vu discuter avec la petite brune qui a un air enfantin.

Elle le drague, c’est évident. Je l’oublie un instant parce que je suis happé dans une conversation. Je m’occupe quoi. Mais vingt minutes après, il est toujours avec Bambi. Je m’avance et j’attaque:

“Toute les filles sont amoureuses de toi.”
“Et alors ? C’est bien !”
“Je suis jalouse.”
Le con me regarde en souriant. Il prends son verre sur le comptoir, il a l’air de vouloir dire quelque chose et de se retenir. Il me regarde à nouveau, prétentieux.
“Tu sais, je ne suis pas monogame.”


Silence. Je le hais là maintenant, dans cet instant. Il me dit ça à moi. Subitement.
“Tu veux dire que là, ce soir, tu pourrais embrasser une autre fille ?”
Petit air contrit :
“Je ne sais pas. Je suis libre, on est libre, il faut que tu comprennes ça. On est libre. Je ne peux pas faire autrement.”
Rage.


= Fay =
Jean est charmant. Sur scène dans “La Vraie Vie”, j’ai vu quelque chose d'inattendu. Une dureté que l’on ne devine pas dans ce garçon qui paraît sûr et tranquille.
On danse, je m’approche.

Je sens qu’il va m’embrasser. Je l’arrête d’un index sur la poitrine:
- Je sais que tu sors avec une fille qui est ici.
- Ça n’a pas d’importance.
Et nos bouches se rencontrent. Dans cet instant nous ne pensons plus à rien, une connexion se fait, le bruit diminue, il y a un échange, une transaction, un bout d’âme contre un autre. Et puis l’on se détache et la réalité revient. La réalité qui me fait honte à moi Fay Coeurdepirate.

= Célimène, Fay et Jean =
Une plainte, cela dérive, cela aurait pu être tellement plus beau. Il aurait fallu chanter comme dans cette chanson accroché à ce texte. Mais non, Célimène a grondé, bu, embrassé, téléphoné, essayé d’insulter mais cela ne marchait pas. C’était comme essayer d’allumer un feu avec du bois mouillé. Célimène s’est plainte, elle s’est repu dans son pseudo malheur mais Dorian n’avait et n’aurait d’ailleurs jamais aucune culpabilité.

En revanche, tous le regardait autrement maintenant. Il était l’acteur, l’instigateur de “ce qui était arrivé pendant la soirée”. Les regards étaient différents que ce soit en bien ou en moins bien, il semblait s’en moquer. Il voyait surtout de la curiosité dans les prunelles éparses qu’ils croisaient. Avaient ils eux aussi vu cette transformation du garçon bien élevé vers celui qui avait été si cruel et ne regrettait rien ? Avaient ils eux aussi le sentiment de voir un autre homme comme lui sentait qu’il était désormais un autre ?

“Je le hais.”
“Je le désire et je lui en veux.”
“Je suis libre.”
Pensèrent - ils tout trois à cet instant précis où par une coïncidence inutile leurs trois corps formaient un triangle équilatéral parfait dans l’espace et avant que la réalité ne les rattrapent et qu’ils soient happés par un regain du présent et de sa complexité.

= Dorian =
Ce soir encore est chasteté. Il valait mieux partir, tout devenait flou, les regards devenaient pénibles. Ainsi, une sorte de joie cruelle au coeur il remonte le Boulevard Voltaire de la place de la Nation jusqu’à la place Blum. Quelque part en lui il y a un sentiment dément d’excitation, une sensation sauvage d’être vivant. Il plaît et il saisit. Quelle étrange nouveauté d’avoir ce pouvoir sur des humaines.
“Je dois avoir l’air ivre moi aussi” pense t-il en croisant des soulards.
On est au 99, il grimpe les 6 étages dont le 4ième est difficile et dégaine papier et stylo.
Il passe un instant le nez en l’air, regroupant les mots et les émotions et quand le nuage est prêt dans sa tête il se penche comme pour embrasser.

C’est ainsi que Dorian acheva sa mutation en couchant ce soir là les deux femmes côte à côte, sur du papier.

mardi 18 octobre 2011

Cible




Jean avait commis une erreur. Il avait été trop proche, trop doux avec une de ses connaissance et ainsi, il hérita un soir du message suivant :


Au coeur de la nuit
Garder les yeux
Encore un peu
Fermer pour te voir
Sourire dans le noir
Une mousse d'étoiles
On lève les voiles
Entends-tu ma voix
Qui te chante « Rejoins moi »


Un sentiment désagréable, mélange d’impuissance et de culpabilité le parcourut.
Il écrivit. 


Je lis ces mots et je pense.
Je m’étonne, m’intrigue, m’interroge.
Que faire ? Que dire face à ce cri tendre et égoïste qui m’appelle ? Que veux tu ?
Que puis-je, que pourrais-je faire pour toi ?
La vérité, je crois, est que celui que tu appelles n’existe pas. Tu ne sais pas qui je suis et ainsi, je ne peux te donner ce que tu attends. Si tu m’avais vraiment vu, tu saurais que je suis un chien sans maître, un jour fou, un jour apprenti acteur, le lendemain un autre.
Mon amie, si tes yeux avaient su me voir, ils auraient vu un homme malade. Mais tu ne comprends pas cette maladie là.


Ce que tu veux, tu le veux profondément pour toi même. Tu veux serrer quelque chose contre toi parce que tu l’as vu briller. Et je ne peux pas céder à un caprice de petite fille.
Comprends moi, pour toi, je suis fou, je suis animal, sauvage, paradoxalement logique et rationnel. 


Je suis aussi coupable et désolé. J’ai joué un jeu dangereux.
Peut être cela t’aiderait-il si je te disais qu’il y en a une autre, ou mieux encore, un autre. Mais ça n’est pas exactement vrai.
Il y en a mille autres, hommes et femmes confondus, il y a d’autres pays, des voyages, de la culture et du temps. Il y a ma liberté que je ne peux pas assommer, réduire ou battre. Je refuse.
Je ne peux pas.


Je t’ai lu ce que j’écris, je me suis présenté sous le jour de la confiance et cela t’a mis du sable dans les yeux, mon amie. Si tu regardais vraiment, si tu parvenais à te débarrasser de ce filtre, tu ne verrais qu’un homme occupé comme il y en a des millions d’autres.
Comprends bien ce chiffre : des millions.
Je suis un fétu de paille, une goutte d’eau, un atome, une cellule, un grain de poussière.
Et la cellule que je suis ne saurait partager une relation sentimentale avec la cellule que tu es. 
Nous sommes amis, voisins, probablement camarades. J’ai des choses à t’apprendre, tu as des choses à me montrer. Au delà, il n’y a rien, pas d’étincelle, du vide, une terre incultivable.
Moi même, je suis un homme vide, déjà brûlé et ne possédant aucun soupçon d’amour.


Écrivant ces mots, je vomis à l’idée de l’effet qu’ils auront sur toi.
Je pourrai même trouver de la fureur dans la prise d’otage dont je suis l’objet par ces quelques lignes rédigées comme une flèche maladroitement pointée sur mon coeur. Je ne veux pas être cette cible. Je pourrais trouver de la fureur mais il n’y a en moi que de la miséricorde pour une situation malheureuse dont j’ai tenté en vain et un peu tard d’empêcher la survenue et dont l’inéluctabilité me frappe aujourd’hui de plein fouet.
J’ai vécu ce que tu vis et j’ai reçu les mots que je t’envoie. Déformés, différents certes, mais le sens était le même.
Et j’ai appris. Alors, j’espère que tu apprendras, que tu comprendras.


Aujourd’hui, comme tous les jours se joue un drame. 
Un drame qui heureusement n’est pas une tragédie grecque car il y a des avenirs pour chacun des protagonistes.
Aujourd’hui, comme tous les jours, est le début d’un nouveau cycle, d’une nouvelle liberté dont tu n’as peut être pas encore conscience mais cela viendra.
Et si j’étais chrétien, je dirais : “Délivre nous du mal”.


Il va te falloir du temps et moi je serai libre, je n’aurai pas peur de toi. Alors il ne faudra pas céder à la facilité de la douleur du sentiment blessé. S’il faut me haïr, haï moi, s’il faut se moquer, moque toi mais trouve une solution. Ne reste pas accrochée, tenue par des fils comme une marionnette. Vis pour toi.


Moi, je serai libre.


À un jour,


Jean

dimanche 1 mai 2011

Rain
























Jean comprit la phrase : “Il faut que tu trouves ta propre manière de penser, ni la mienne, ni celle de Youri.” seulement quelques mois plus tard.

Marie lui disait en réalité de pousser la création de son monde, régit par les lois qu’il devinait, testait et développait beaucoup plus loin. Elle ne voulait pas que sa conception de la réalité et que les humeurs qu’il choisissait pour gouverner son esprit soient fonction de leurs lois a eux, qui n’auraient pu être qu’empiriques puisque ce n'était pas exactement les siennes qu’ils auraient acquises par pure transcendance.

Comme souvent ses paroles exigeaient de lui un absolu. Son attitude de métamorphe, dévoreur des vérités des autres la dérangeait. Elle le voulait autre.

Il comprit cela un soir, alors que la réalité l’avait poussé loin du monde de Youri, qui était trop brûlant, se mouvait trop rapidement et était déstabilisant et que ses lois à elles lui paraissaient faussées, empruntes d’un défaitisme et de douleurs passées, qu’elles croyaient dues a sa mixité mais qu’il supposait une combinaison de son incroyable intelligence et de la profonde croyance que nous avons tous en notre unicité. La mixité était un prétexte, un caillou de plus accroché à son cou.

Il lui restait à trouver ses lois et cela l’effrayait. Créer son monde. Prendre cette voie sinueuse qui nous écarte du sol revêtait un risque extrême. Il avait peur de devenir uniquement un lointain observateur qui regarderait passer les pluies et les saisons sur le monde. Gravitant loin des hommes, loin des coeurs il ne verrait plus que des surfaces traversées par le temps et les nuages. Son oeil serait le capteur satellitaire qui prend notre terre en photo, secondes après secondes, minutes après minutes mais qui ne se mêle plus jamais à la vie des hommes.

Les yeux ouverts sur la nuit, il se demandait qui le rapatrierait s’il partait. Sa famille était trop loin désormais, ses amis devenaient des connaissances et ses pensées restaient dans le creux de son cerveau, remplissant une poche imaginaire dont il ne pouvait sonder le fond.

dimanche 3 avril 2011

Music shot

"When you're sick, music is a great help. Once, in Texas, I kicked a habit on weed, a pint of paregoric and a few Louis Armstrong records." - Junky - William S. Burroughs
I never could do the injection myself.  The mere idea of a needle penetrating my skin was enough to make me faint. I never grasped what "finding a vein" meant apart from "painstakingly probing my nerves".
Once the catheter was in place, the lingering sting was amplified by my imagination. I was craving for the liberating burning cold sensation of the flow of music climbing up my arm. Once it reached the brain, the release was overwhelming.
All depended on the playlist. Some were epileptic and throbbed with my pulse. Others had a way of carrying me with their waves. I could not detach my eyes from the music pouch from which a trickle of sound elixir fell, drop by drop, tear by tear, and followed the long curve of the plastic tube that led to the crook of my elbow. But I did not see it. I was high.


dimanche 6 mars 2011

Troubled eyes, Troubled Head



Représentez vous la scène. Sébastien Chabal un maillet à la main dans un magasin de porcelaine. C’est ce qui traverse l’esprit de Jean à l’instant.

Comment est-il arrivé là?

Mardi 8 Février 2h00 du matin: Arrivée au Japon la veille, Jean subit le jetlag de plein fouet.
L’inconfort rituel du vol de 12h Milan-Narita, ajouté au fait que son sac à main en bandoulière pesait une vingtaine de kilos, ont réouvert la blessure dorsale de l’époque post prépa. Il se tourne sur son matelas.
A 10h, il rencontre son maître de stage en personne. Celui ci est venu le chercher en vélo devant la maison où il loue une chambre.
Cette situation est assez hors du commun se dit il, amusé, alors qu’il pédale derrière M Kageyama sur Tohachi doro.

Il sait qu’il verra Marie ce weekend. C’est une belle perspective même si sa tête est un chaos sans nom. Il a des migraines et ne dort pas, sa pensée est brumeuse. Heureusement, l’habitude et les reflexes de rationnalité permettent de ne pas trop avoir l’air fou. Lorsqu’il est fatigué ses yeux déraillent et ils mettent du temps à se suivre l’un l’autre et à focaliser.

Vendredi 12 Février il retrouve Marie à la gare de Shinkansen de Tokyo. Ils parlent.
Ils ont vécu tout deux des expériences riches et différentes depuis qu’ils ne se sont pas vus. Il ne se pose à aucun moment la question de l’attirance. Il s’en moque, il revoit quelqu’un qu’il apprécie et c’est tout. Dans le train, on dérive sur le sujet omniprésent dans sa tête, l’existence. Il se demande vraiment ce qui la fait vivre et exister. Elle dit qu’elle est différente, profondément, qu’elle n’a pas le sentiment d’avoir changé de manière de penser depuis qu’elle a accédé à la conscience, et qu’il lui est impossible de se considérer comme similaire à quiconque. Et lui, dont la pensée et les actes sont volontairement maintenus dans un corset de rationalité, essaye de comprendre. Et ce qu’il croit voir est époustouflant. Lui vit et comprends les gens en se lisant lui même. Il reconnaît les réactions et les humeurs parce qu’il croit se rappeler de ce qu’il a ressenti dans des situations similaires. Ce que lui comprends dans ce qu’elle dit c’est qu’elle est si loin du reste du monde qu’il ne peut la juger. C’est un peu la découverte d’un nouveau continent. Il pense aussi que c’est en se croyant loin et différente qu’elle a entretenu ce phénomène là.

Nara est dans la neige. Ils parlent beaucoup, de beaucoup de choses. Elle dit que c’est lui qui donne les thèmes et elle qui pose les questions. Les questions le poussent à aller chercher plus loin, à devoir expliquer des choses, trouver des raisons. Au bout d’un moment ça l’ennuie parce qu’il sent qu’il est train de se faire dépecer comme un chasseur dépècerait une des biches du Nara Kouen, le parc de Nara.
Le lendemain il sait et ressent aussi que les débats sont souvent faussés parce que trop théoriques. Elle développe des concepts qui lui échappe. Il lui a pris la main le soir dans la chambre d’hôtel. Il ne sait pas pourquoi. C’était agréable. Cet homme est un enfant.

Lundi 14 Février
Ils se sont quitté la veille. Le deuxième jour il a commencé à la trouver jolie par moment. Pour lui, c’est assez incroyable de pouvoir discuter de cette façon là. Et un phénomène qu’il avait déjà constaté avec elle se reproduit. Il place une telle valeur dans ces discussions, il se sent tellement à sa place dans ces moments là qu’il se met à l’aimer pour ça. Il ne sait pas si c’est normal, logique ou rationnel. Il ne sait pas si c’est une bonne chose. Elle ne veut probablement pas de cet amour là.

Il se réveille à 8h30 et il pense à elle. Il prends son petit déjeuner, enfile ses chaussures et il pense à elle. Il traverse sur un passage piéton et il pense à elle.
Il travaille, il travaille bien. Son esprit est fluide et il pense à elle.
Mais voilà, elle. elle ne pense peut être pas à lui. Elle ne vit pas ces échanges de la même façon. Elle ne lui trouve pas la valeur qu’il lui trouve. Peut-elle aimer? Il lui a demandé il y a quelques mois. Elle a répondu qu’elle pensait ne pas pouvoir. Alors, il descend dans la mine. Il connaît bien le chemin, il l’a déjà pris souvent. Et dans la mine il se met à creuser dans son sentiment.
Il est plus pratique de démolir dès maintenant ce sentiment naissant. Il sait bien le faire, il suffit d’écarquiller les yeux. Demande toi si elle est vraiment jolie. Demande toi pourquoi tu as en toi ce sentiment, d’où il vient. Comprends ses limites et protège toi. Il allume son ordinateur et a envie de lui envoyer un mail. Pourquoi? Il sait s’en empêcher. Il a appris en même temps qu’on battait son âme et son image à se protéger des autres. Il n’a aucune peur. Il se moque de ce qu’ils pensent.
Il choisit d’enterrer son sentiment et si elle lui demandait des années après s’il l’avait aimée, il répondrait comme répond Cyrano. “Non, non, mon cher amour, je ne vous aimais pas !”

Mardi 22 Février
Il se réveille et c’est l’image du magasin de porcelaine qui l’envahit. Ce n’est pas mal d’aimer se dit-il. Il faut juste l’aimer bien. L’aimer pour qui elle est. L’aimer pour essayer de la rendre heureuse, de lui apporter cette paix que l’on peut avoir quand on se sait aimé. C’est ce qu’il veut.
Ce n’est pas mal de l’aimer.

Mardi 1er Mars
Jean a vu Marie et Marie a tenté de casser ce que Jean ressentais. Il sait maintenant qu’elle est dangereuse pour lui. Très dangereuse. Elle ne sait pas aimer. Son esprit est toujours si loin, son âme est si peu emplie d’espoir, de rire ou de douceur.
Pourquoi lui a-t’elle plu alors?

Parce qu’il avait besoin de quelqu’un qui puisse regarder, le regarder et bien voir. Parce qu’il est taraudé entre son éducation qui l’a rendu sensible et doux et ses expériences qui l’ont poussé à réfléchir, à aller plus loin dans ses pensées, à traiter des sujets que l’on évite normalement pour ne pas se brûler.

Elle lui a dit qu’il était inconsistant, qu’elle avait trop d’influence sur lui et que ça ne lui plaisait pas à elle.
Ce n’était pas vrai. Même s’il n’argumente pas, il ne lui donne pas raison et souvent même il pense qu’elle se trompe. Mais il accepte. Il a appris à accepter tout ce que les gens peuvent dire. C’est plus simple, plus tolérant. Et ce qu’elle dit est souvent riche de sens, de définitions très précises que lui ne maîtrise pas forcément. En quelque sorte elle l’aveugle en lui jetant du sable dans les yeux. Et cela la rend malheureuse.
Lui en revanche se dépoussière rapidement. Loin d’elle, il a le temps de peser, de tester et de faire tourner dans sa tête les choses qu’elle lui a dite. Elle n’a probablement pas l’influence qu’elle croit avoir.

Il ne partage pas sa manière de pensée mais il veut comprendre.
Pourquoi l’aime t’il alors? S’il se posait la question, ce qu’il n’a pas vraiment voulu faire, alors peut être comprendrait-il l’illogisme profond qu’il y a à aimer le démon.
Pourtant, il a parfois l’impression de voir des restes de douceur en elle, et peut être le rêve-t’il mais il voit une belle et pauvre créature qui a besoin d’être choyée. Jamais peut être ne se laissera-t’elle faire. Pourtant, quelques part ne serait-ce pas ce qu’elle attends? Elle dresse des murailles qui montent vers le ciel à l’infini. Elle casse les jambes et les dents de ceux qui tentent l’escalade, elle crache du venin sur ceux qui s’approchent, pourtant, pour lui, elle attends juste quelqu’un d’assez fort pour subir tout ça et parvenir jusqu’à elle. Elle est la belle au bois dormant et la sorcière à la fois.
Croyant ça, il ne sait pas s’il doit continuer à avancer pieds nus dans les ronces. Il sait que ça peut le mener vers de grandes souffrances et il est facile de se perdre en route. De toute manière elle ne le regardera pas longtemps se démener et se battre. S’il n’est pas assez rapide et fort, il n’a plus d’importance.

En rentrant ce matin, marchant de la gare de Mitaka à sa chambre il invente une chanson:
”Ca n’a pas d’importance,
Je me moque de ce qu’elle pense,
car ça n’a pas d’importance”

C’est son anniversaire. Il a 23 ans et se frotte les yeux qui sont douloureux de sommeil.
Il a déjà eu son plus beau cadeau de la journée et ce qu’elle lui a dit ne le rends pas triste. C’est une potentielle délivrance. L’amour est une crainte qui joue aux masques.